Vous avez certainement lu, ou pas, que le saké était produit au Japon bien sûr, mais également aux USA, entre autres et même... en France comme Les Larmes du Levant à Pelussin et Wakaze en région parisienne. Nous reviendrons dans ce blog sur ces deux sakagura qui méritent toutes deux d'être découvertes.
Mais concentrons-nous aujourd'hui sur le nihon shu (saké japonais) car n'est de Nihon shu que le saké produit au Japon avec du riz japonais cultivé sur l’archipel.
Petit rappel géographique sur le Japon
Le Japon est un archipel composé de très nombreuses îles (près de 7 000), situé dans l’hémisphère nord entre le 20ème et 46ème parallèles.
4 îles principales forment le japon, Hokkaido au Nord, Honshu où se situe la mégapole Tokyo, Shikoku et Kyushu. Comme on peut le constater sur la carte, le nord du Japon se situe au même niveau que la ville de Lyon alors que Tokyo est sur le parallèle de Malte. En ajoutant que l’on est sur une île avec de très nombreuses montagnes on comprend que le pays connaît une multitude de climats parfois rudes, et à l'exception d'Hokkaïdo, très proche de l'Europe, le Japon connaît des épisodes assez violents comme les typhons, saison des pluies et autres excès de la nature.
D’un point de vue administratif, 45 préfectures (l’équivalent de nos régions) jalonnent le Japon. Ces préfectures seront l’unité géographique que j’utiliserais le plus souvent dans ce blog.
Le meilleur du riz
Comme on l’a vu dans l’un des premiers posts (c’est ici), le riz est bien sûr l’ingrédient le plus connu pour produire le saké. Le riz est également l’une des bases de la nourriture japonaise mais pour obtenir notre boisson fermentée, on utilise des variétés de riz spécifiques, des riz à saké ou encore sake maï.
Le riz utilisé pour produire le saké vit de nombreuses et parfois complexes étapes avant de rentrer dans le processus de fabrication du saké.
La première, sur laquelle nous reviendrons plus en détail, est le polissage.
En fait lorsque l’on utilise du riz pour la cuisine, il est poli c’est-à-dire qu’on a enlevé une partie de l’enveloppe externe (il reste généralement 92% du grain de départ). Pour le saké, on démarre à 70% (30% de grain enlevé) et on peut descendre jusqu’à 35 voire 30% (ce qui est plus rare).
Plus on se rapproche du cœur du riz, le shinpaku, plus la teneur en amidon est forte. Ce polissage va influencer les saveurs et les arômes qui s’exprimeront dans le saké.
De grands classiques aux raretés régionales.
Il existe 104 variétés de riz à saké qui sont cultivées dans les 45 préfectures au Japon. Les 5 premières variétés représentent à elle seules plus de 70% de la production (chiffres 2014).
Les riz servant à produire le saké sont issus de croisements et de sélections opérés années après années dans les centres de recherche agricoles des différentes préfectures nipponnes.
Le Yamada Nishiki : il a été créé en 1923 et prendra son nom définitif en 1936 dans la Préfecture de Hyogo (là où se tiendra la deuxième édition de Saké sélections en 2021). C’est le « roi » du riz à saké. Résistant à de forts polissages, il possède également toutes les qualités pour faire de grands sakés souples et parfumés. Il est l’un des riz préférés des Toji ("maître saké") ce qui explique son premier rang dans la hiérarchie des sake maï, 33% de la production dans 33 préfectures différentes même si Hyogo concentre 70% de la production de cette variété.
Gohyakumangoku : créé en 1938 dans la Préfecture de Niigata mais baptisé en 1957 (la guerre était passée par là) il a été développé pour les régions plus froides. Sa capacité à rester ferme à l’extérieur et tendre à l’intérieur après sa cuisson à la vapeur en fait un riz particulièrement intéressant pour la fabrication du koji (nous reviendrons sur ce koji dans un prochain post).
Miyama Nishiki : un peu plus technique, ce riz a été créé dans les années 70 du côté de Nagano grâce aux effet des rayons gamma sur le Takane Nishiki. Un grain de belle taille et un shinpaku très intéressant en ont fait la troisième variété la plus produite au Japon.
Omachi : riz de maturité plus tardive, c’est le plus ancien des riz cultivés pour le saké au Japon. Son histoire démarre en 1859. D’abord utilisé comme riz de table, il a été adopté par les sakagura (« caves à saké ») du fait de la taille de son grain et de son shinpaku (le cœur du riz – voir dessin plus haut). Sa production a fortement diminué pendant la deuxième Guerre Mondiale et n’a jamais retrouvé ses niveaux historiques. Aujourd’hui les professionnels de la province de Hyogo et d'Okayama relancent sa production et louent l’umami développé dans les sakés issus de cette variété.
Dewasansan : c’est le 5ème de la liste mais encore plus que les 4 premiers, le Dewasansan est très lié à sa région d’origine Yamagata où il a été créé en 1985. Il permet la production d’un saké très spécifique, spécificité renforcée par l’utilisation de levures de Yamagata et d’un Koji-kin local. Les sakés de Yamagata bénéficient ainsi d'une Indication Géographique depuis 2015.
Retour aux sources
Evolution récente, on assiste depuis quelques années à la mise en avant de variétés de riz moins connus, souvent délaissés car moins faciles à cultiver ou plus fragiles et difficiles à utiliser dans la création du saké.
Volonté de se différencier au milieu d'une concurrence forte, certainement, mais en partageant les discours des propriétaires de sakagura, on ressent le besoin de revenir à des fondamentaux importants, une volonté forte de ré-enraciner les sakés dans leur région d'origine.
Un des plus beaux exemples est la sakagura Daishinshyu à Nagano qui, allant jusqu'au bout de la réflexion, travaille en partenariat avec des riziculteurs locaux. Développement de la culture biologique, échanges permanents, tout est fait pour amener des riz à parfaite maturité et ainsi produire des sakés uniques et non reproductibles ailleurs.
Cette tendance de fond, accompagnée parfois d'un retour à des méthodes anciennes est à mettre en regard avec le modernisme affiché et la volonté de marketer un peu plus le saké pour toucher les nouvelles générations. Ces deux évolutions se répondent mais ne sont pas antinomiques montrant ainsi toute la richesse du monde du saké.
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