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Châteaumeillant : une pépite du Centre-Loire encore à découvrir.

Dernière mise à jour : 9 sept. 2020

Alors que Châteaumeillant s’apprêtait à fêter ses 10 ans d’AOC en 2020, la crise de la CoVid a eu raison de quasiment toutes les manifestations prévues au cours de l’année. Toutes, pas tout à fait car les 1er et 2 août 2020, les vignerons de l’appellation la plus centrale de France ouvriront leurs caves et je vous invite à venir faire un petit séjour dans une région magnifique et chargée d’histoires. En préambule de votre découverte, petite présentation géographico-historico-économique du vignoble.


Voyage au Centre de la France

Si Châteaumeillant peut s’enorgueillir, sans contestation jusqu’à ce jour, du titre de vignoble le plus central de France, on peut s’attarder quelques instants sur ce fameux « Centre » car contrairement à ce que beaucoup pensent, le Centre de la France est dans le département du Cher, en Berry, au sud de Bourges. Quand vous viendrez profiter de la campagne berrichonne, vous ne manquerez de visiter la magnifique Abbaye de Noirlac et, si vous flânez aux alentours, vous pourrez apercevoir plusieurs monuments indiquant que vous êtes au Centre de la France. Petit hic, ces monuments ne sont pas situés dans les mêmes villages. Et pourquoi me direz-vous. Tout simplement à cause des différents calculs utilisés pour localiser ce fameux Centre. Trois communes (voire plus) sont donc officiellement l'épicentre de la France : Bruère-Allichamps, Saulzais-le-Potier, Vesdun, ce dernier village nous intéressant particulièrement car c’est l’entrée orientale du vignoble castelmeillantais.


Entre Indre et Cher, un vignoble 100% berrichon

Châteaumeillant partage avec Reuilly, situé plus au nord, la particularité d’être à cheval sur les deux départements qui constituent l’ancienne province du Berry, l’Indre et le Cher. On démarre à l’est, depuis Vesdun pour finir à l’ouest non loin de la Châtre, et donc de Nohant, là où George Sand recevait ses prestigieux amis.

L’autre particularité, plus forte encore, est de se situer au sud du Berry, dans une région que l’on appelle la Marche, et pour laquelle on peut déjà parler de contreforts du Massif Central (qui ne l’est pas tant que çà, central, mais vous l'aviez déjà compris).

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La France et ses reliefs sur Géoportail

Cette position géographique entraîne plusieurs caractéristiques pour le vignoble. La première est que les sols et sous-sols sont issus des volcans donc généralement assez acides et essentiellement constitué de grès, micashistes et gneiss sur lesquels on retrouve des sols de silice, sables et argiles. La deuxième caractéristique est que l’on se situe en altitude (entre 220 et 388 m pour la commune de Châteaumeillant) avec donc des hivers assez froids et des étés plutôt chauds.

La combinaison des facteurs climatiques et pédologiques font que l’on se trouve dans une région particulièrement propice à l’épanouissement du cépage Gamay. C’est d'ailleurs le cépage principal, voire unique de l’appellation, même si cela n’a pas toujours été le cas comme nous allons le voir.


De Mediolanum à l’A.O.C, un peu d’histoire

Au 3ème siècle avant J-C, des gaulois du peuple des Bituriges Cubes fondent la ville de Mediolanum et, très rapidement, développent le commerce de vin avec l’Empire romain. Près de 600 amphores ont été découvertes à Châteaumeillant montrant que ces échanges étaient importants et rappelant par là même que les amphores servaient à transporter le vin, pas à le vinifier (on fait du vin en jarre, en kvevri mais pas en amphore). Les nombreux puits retrouvés et surtout la mention de Mediolanum sur la copie médiévale d’une carte romaine (Peutinger) montre la position de la ville qui fut un véritable noeud routier et qui va traverser les siècles.

Même si Mediolanum voyait passer des amphores contenant du vin, on a peu d’informations sur la production viticole passée. Grégoire de Tours mentionne la présence du vignoble à la fin du VIème siècle, des chartes du Moyen-Age réglementant, entre autres, le ban des vendanges, indiquent des lieux où la vigne s’épanouit toujours.

Le Gamay va être introduit à la fin du 18ème et à la fin du second Empire, près de 1 200 hectares de vignes s’étendent entre Cher et Indre. Le phylloxéra va détruire tout le vignoble à la fin du 19ème. La replantation permettra de relancer la production mais face à la concurrence nationale d’autres vins et d'autres productions agricoles comme les bovins, le vignoble ne retrouvera jamais sa surface d’antan.

En 1964, une cave coopérative est créée. Avec deux autres domaines, elle sera emblématique du vignoble pendant plus de 30 ans. En 1965, alors que l'on trouve déjà une citation en tant que Coteaux de Châteaumeillant dans un ouvrage de 1947, le vin devient tout simplement Châteaumeillant et accède officiellement au statut de V.D.Q.S. (Vin Délimité de Qualité Supérieure), catégorie que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître.

Pour rappel, au vingtième siècle, lorsque l’on vous enseignait les vins français, on utilisait toujours une pyramide avec à la base les vins de table (pas chers et pas de règle, je schématise), au-dessus les vins de Pays et pour finir les A.O.C.

Finir pas tout à fait car entre Vins de Pays et A.O.C., catégorie reine de l’époque, on avait une fine tranche d’A.O.V.D.Q.S. Cette catégorie créée pendant la deuxième guerre mondiale et validée en 1949 était censée être la dernière étape qui permettait à un vignoble d'accéder à la catégorie suprême. Las, pour certains, l’étape a duré des années, voire de très longues années et, curieusement, c’est le Val de Loire qui abritait le plus d’A.O.V.D.Q.S. et ce, jusqu’à la disparition de la catégorie en 2011.

Alors pourquoi être resté si longtemps dans cette catégorie qui bloquait souvent les acheteurs professionnels de l’époque (« c’est très bon mais c’est dommage que cela ne soit pas en A.O.C. » entendait-on)? La principale réponse est à chercher dans l’un des piliers même de l’Appellation d’Origine Contrôlée : l’humain.


Rendons à Pierre…

Jusqu’au début des années 90, le vignoble de Châteaumeillant était bien installé régionalement, s’appuyant sur une notoriété établie grâce au gris (rosé de pressurage direct) et une bonne clientèle locale. Malheureusement, le faible nombre d’opérateurs n’avait pas permis de créer une émulation saine et constructive (ce qu'une universitaire a appelé la coopétition) permettant de faire évoluer la viticulture, le style des vins, de trouver de nouvelles clientèles et d’élargir la zone de chalandise. L’arrivée de nouveaux producteurs dont Pierre Picot, a changé la donne.

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Le vignoble de Châteaumeillant en septembre

Travaillant à 100% avec le Gamay alors que l’assemblage Gamay-Pinot noir était l’usage, sur de vieilles vignes, avec des rendements ténus, il a bousculé ce pays de traditions et montré, avec d'autres, tout le potentiel inégalement exploité dans le vignoble.

Cette vision que certains jugeait trop radicale a entraîné de nombreux échanges, parfois musclés, la coexistence pendant quelques années de deux syndicats, mais à l’issue de cette guerre pichrocholine, les vignerons, conscients de la nécessité d’avancer et donc de travailler en collectif, se sont attelés à un travail qui s’annonçait long et difficile : l’Appellation d’Origine Contrôlée.


Châteaumeillant AOC : 100% Gamay or not 100%

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Le Gamay juste avant la récolte

Hormis la redéfinition du parcellaire, l’édiction de règles viticoles et œnologiques, le principal point d’achoppement du dossier était bien sûr le choix des cépages. Fallait-il faire du 100% gamay au vu des conditions pédo-climatiques de la région ou garder l’assemblage que l'on qualifiait d'« historique ». Le Gamay finira par l’emporter tout en laissant la possibilité d’être assemblé avec le Pinot noir (40% maximum). On sait que les cépages ont tous des fenêtres de tir optimales pour être vendangés à la meilleure maturité, celle du pinot noir n'est pas très large, comme à Châteaumeillant ce qui pouvait parfois poser souci. Les évolutions techniques dans le vignoble, la capacité d’analyse des maturités font que la problématique a été réglée et qu’il est aujourd'hui parfois difficile, en dégustation aveugle, de distinguer les purs gamays des assemblages.

(Pour les puristes, précisons que le pinot gris peut également entrer dans l'assemblage des rosés à concurrence de 15% mais la production de ce cépage reste anecdotique).

Tout se cala donc pour le meilleur et, en 2010, Châteaumeillant deviendra la 8ème AOC du Centre-Loire. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.

En réfléchissant à l’avenir du vignoble Pierre Picot et ses collègues ont fait le constat qu’il fallait, pour assurer un développement à long terme, avoir un nombre important de metteurs en marché, ce qui n’était pas le cas.

On a donc assisté depuis plus de 10 ans à l’installation de nouveaux vignerons. Accueillis dans des chais collectifs, les néophytes ont bénéficié de l’expérience des vignerons locaux ou venus d’autres vignobles comme Quincy ou de prestations viticoles et de vinifications personnalisées. Grâce à ce travail collectif, on doit pouvoir trouver près d’une trentaine de domaines différents pour un vignoble de 90 hectares en production.


C’est l'une des particularités fortes de ce vignoble qui revient de loin, mais possède, à mon avis, tout ce qu’il faut pour s'assurer un bel avenir.

Aujourd'hui, la qualité de ces vins, rouge et rosé, est l'un de ses atouts les plus précieux, la richesse humaine du vignoble en est un encore plus important mais ça je vous en parlerais dans quelques semaines.


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